Arborescence
« Ce qui m’intéressait dans mon ancien métier c’était de passer les choses via un message. Ce que je fais finalement maintenant mais le tout avec l’aide et le support des TIC. »
LE SAVOIR ET L’HUMAIN
Arborescence c’est d’abord une bande de copains issus à la fois du secteur social et du monde universitaire : le savoir et l’humain.
Après une première vie de graphiste à Paris, Martine prend le virage du multimédia de la fin des années 90 et s’installe à Marseille.
Les « sociaux » et les « profs » qu’elle retrouve, se réunissent autour d’elle et imaginent les premiers ponts entre leurs activités, leurs publics, leurs envies.
On voyait bien que les NTIC de l’époque allaient modifier profondément la société mais les personnes en difficulté et les professionnels qui les accompagnent ne semblaient pas se raccrocher aux wagons. La fameuse fracture numérique est lâchée.
C’est ainsi qu’Arborescence est née au croisement d’un premier partenariat fondateur entre deux mondes professionnels qui ne se croisent d’habitude jamais : les universitaires dingues de logiciel libre et les accompagnateurs sociaux au service de leur public.
Au départ, Arborescence propose de former les professionnels de l’accompagnement social à Marseille aux pratiques numériques. L’activité se développe, prend corps et le bouche à oreille prend le relais.
Oui mais les publics dans tout ça ? Il manquait des racines à Arborescence. C’est alors l’installation dans un grenier au milieu d’un des quartiers les plus sinistrés de Marseille, au cœur du 15ème arrondissement. On réaménage de bric et de broc avec les Compagnons bâtisseurs en échange de formation TIC, on visite les caves de l’université pour remettre en route des ordinateurs abandonnés. Une couche de peinture et de Linux plus tard, la lumière s’allume : les habitants et les associations frappent à la porte.
Et là c’est le choc face à une population précarisée, sans ressources, sans maîtrise de la langue, parfois sans toit. « Là on est confronté à toutes sortes de cultures, toutes sortes de situations quelquefois même difficiles. C’était un défi de découvrir tout ça et de tenir le coup. Parce que le métier d’animateur consiste surtout à passer des choses en accompagnant autour du numérique avec des relations humaines mais là on se retrouve parfois avec des choses qui ne sont pas écrites dans des cases. Ce qu’on fait en fait c’est plus quelquefois du conseil, assistante sociale et parfois même… presque médecin. »
Des publics qui se retrouvent à Arborescence, labellisée ERIC dès 2003, nouveau lieu de vie qui permet d’accéder au numérique, de le comprendre et même de le maîtriser.
Dans un quartier qui connaît un taux moyen de chômage de 40%, les habitants trouvent avec Arborescence un moyen de sortir de leur isolement et des outils de recherche d’emploi ou de divertissement intelligent.
Mais attention prévient Martine, « Il faut que les structures ici aient la possibilité de les accueillir comme ils sont c’est-à-dire moins formatés que les autres, tout en maintenant le cadre », c’est toute la complexité du quartier.
Amener du cadre et, par-delà, du sens lorsque l’on vient à Arborescence. Martine et ses partenaires s’y raccrochent, quitte à perdre des publics qui viennent avant tout pour consommer le lieu.
Le lien avec les publics est donc quelque chose de délicat et fragile : être novateur, s’adapter, faire respecter le cadre, se rendre disponible, etc.
Et surtout tenir bon malgré les épreuves : de cambriolages en squatts, de contrats précaires en local promis à la destruction ; il faut y croire pour continuer. Tant du côté de l’équipe que du côté du public.
Mais finalement, quel autre choix que de continuer ? Sur un territoire qui ne dispose pas de centre social, heureusement qu’Arborescence ouvre ses portes le mercredi pour les enfants. « On en arrive à faire des choses qui ne devraient pas nous incomber» regrette Martine tout en affichant fierté et plaisir à le faire lorsque le local est rempli tous les mercredis…
« On accueille aussi les enfants. Là, par contre c’est surtout le côté ludique qui prévaut. C’est marrant parce qu’ils ont malgré tout souvent à la maison un ordinateur et Internet, mais ils adorent venir ici. D’abord parce qu’on y retrouve les copains, on y apprend un peu des choses, on se fait un peu engueuler, mais ça marche quand même. Ici il se passe quelque chose de différent. Ils jouent en réseau mais l’un à côté de l’autre ils aiment le côté humain. »
LA CONFIANCE
Dans un quartier sinistré, on essaie de se serrer les coudes, la vie associative fait florès même si elle est elle-même précaire. « On doit faire face à la disparition rapide de partenaires, parfois entre le début et la fin d’un projet des associations ont mis la clé sous la porte. Il faut alors tout recommencer ».
Mais c’est sur ces partenaires que s’appuie Arborescence pour orienter et accompagner les publics de l’ERIC. Depuis plus de 10 ans maintenant, Martine, les copains du début et ses deux animateurs continuent et tissent les liens partenariaux sur le quartier.
Le projet « Quartier de vie » a permis d’aller à la rencontre des acteurs associatifs du quartier. Il s’agissait de renseigner et de faire vivre le site du quartier à travers notamment de webreportages. Le porte à porte a permis à Arborescence de se faire connaître et reconnaître à la fois dans ses compétences numériques mais aussi dans sa capacité à élaborer des projets avec les publics de ces futurs partenaires…
Le monde de la formation, de l’accompagnement social, de l’éducation, de la culture, du loisir et même de l’éducation travaillent avec Arborescence. Ce tissu partenarial n’a pas échappé aux services de la Politique de la Ville qui a rapidement soutenu Arborescence en complément du soutien de la Région à travers le programme ERIC : « Pour nous, la Politique de la Ville et les ERIC se sont vraiment croisés en permanence ».
Mais attention, la relation de confiance est parfois longue à construire et lorsqu’il s’agit de mettre en place des conventions avec rétribution des services d’Arborescence, la précarité du territoire se rappelle à vous très rapidement. « Nous on fait notre travail, on propose des choses. Les gens ils ont envie, ils ont besoin, ils viennent. Si on fait un vrai travail, on demande des sous par besoin sinon on ne va pas demander. On n’est pas dans un état d’esprit mercantile » rappelle Martine.
Jamila, présidente de l’association ALFA, partenaire d’Arborescence depuis longtemps, a tenu à insister sur le terme de confiance. « Nous sommes une association d’entraide entre femmes du quartier issues de toutes origines. Le fait qu’Arborescence soit chapeautée par une femme a beaucoup joué en faveur du partenariat et les liens de confiance se sont plus facilement instaurés ».
« Dans nos quartiers, la confiance est plus donnée à une personne qu’à une structure. Enlevez Martine et tout peut s’arrêter »
Mais tout n’était pas gagné d’avance, au départ, les femmes ne souhaitaient pas être en contact avec l’animateur, car c’était un homme tout simplement. Il a fallu faire preuve de patience et de pédagogie.
Maintenant les femmes d’ALFA viennent d’elles-mêmes sans passer par l’intermédiaire de l’association, elles viennent avec leurs enfants, voire leurs maris…
Arborescence et ALFA ont construit ensemble une action de préparation et d’accompagnement au Code de la Route. Il s’agit d’une étape importante dans l’émancipation des femmes du quartier, une autre façon de rompre l’isolement.
« Tout cela prend du temps » insiste Martine « on passe par l’apprentissage de la langue, les savoirs numériques, la sociabilisation, etc. c’est un travail de longue haleine qui repose sur des volontés et des structures fragiles ».
Et pour enfoncer le clou, Jamila tient à préciser : « dans nos quartiers, la confiance est plus donnée à une personne qu’à une structure. Enlevez Martine et tout peut s’arrêter ».
La précarité se retrouve donc partout. A ceci près que tous s’accordent sur un point : Le quartier est fragile c’est vrai, mais Arborescence apparaît comme un lieu de stabilité qui reste ouvert quoiqu’il arrive.
FAIRE RESSOURCE
Arborescence est labellisée depuis le départ du programme ERIC, mais Martine n’est pour autant pas si familière de la vie du réseau. En dehors des quelques grandes figures emblématiques dans la culture ou la télévision participative, à qui s’adresser pour un coup de main ou monter un projet ensemble ? « Il y a quelques repères bien sûr, mais dans l’ensemble du réseau, il y a beaucoup de choses qui m’échappent. »
Les choses vont certainement évoluer. Après plus de 10 ans d’activité, Martine est passée Chargé de Développement Numérique avec le soutien de la Région.
Parmi ses priorités, consolider sa veille, son oxygène comme elle dit, « Parce qu’on a souvent la tête dans le guidon. Le problème est bien là. On se bagarre pour un toit qui tombe, des choses qui ne se passent pas comme on veut… ».
Ensuite valoriser le savoir-faire d’Arborescence auprès des autres ERIC ; notamment l’apprentissage des TIC par celles et ceux qui ont fait l’impasse sur l’école. Un des fondamentaux des Espaces Publics Numériques que beaucoup d’entre eux ont mis de côté et qui correspond encore, malgré tout, à un très gros besoin du public.
Enfin, accompagner l’évolution d’Arborescence afin de faire ressources. Qu’il s’agisse d’accéder à du matériel, des connexions, des logiciels et des services numériques ; participer à des formations reconnues par l’institution mais aussi trouver des moments de partage et de débat, recevoir des personnalités et alimenter les réflexions. Le Savoir et l’Humain…
Mais pour cela, il d’abord faudra franchir un mur imposant : celui de la reconnaissance du savoir-faire d’Arborescence par les institutions et les services publics.
Ainsi, comme de nombreux ERIC, Arborescence reçoit et accompagne des demandeurs d’emploi orientés à l’aveugle par Pôle Emploi, « ce serait important qu’ils nous connaissent, ils nous envoient des gens, mais tout ça se fait de façon informelle. C’est le genre de choses qu’il faut mettre en place si on veut que ce soit lisible. En tant qu’ERIC, il faut que l’on trouve quelque chose de plus fort. » Une forme de partenariat contraint…
« Les Centres de ressources numériques ?
Des endroits où les particuliers, les structures de proximité, les institutions locales, y compris un commerçant, tout ce qui fait la vie d’un territoire, se disent : j’ai besoin de quelque chose, j’ai besoin de m’informer, je peux aller leur demander dans un premier temps, je peux essayer de m‘y former parce que j’en ai besoin, je peux y trouver toute sorte de possibilités.. »
ARBORESCENCE
Contact : Martine Malhomme, directrice
Rue de Lyon
13015 Marseille
Tél. 04 91 60 06 97
arbo@arborescence.net
Parmi les partenaires d’Arborescence :
Association Alfa – ACADEL 13015 Marseille // Association Phénix 13015 Marseille
Association Nouvel Elan 13015 Marseille // Association Sud Culture 13015 Marseille
Collectif Environnement 13015 Marseille // Addap 13 13015 Marseille
Collège Arthur Rimbaud 13015 Marseille // Collège Rosa Parks 13015 Marseille
MMA des Crottes 13015 Marseille // MMA Denis Papin 13015 Marseille
CCO la Bricarde 13015 Marseille // Association l’Acte 13001 Marseille
IRRS PACA Croix Rouge 84000 Avignon








